Daniel Buren, artiste provocateur
ARTICLE

Pour beaucoup, le nom de Buren évoque les colonnes érigées en 1985 dans la cour d’honneur du Palais-Royal à Paris. Daniel Buren
Lorsque le Ministre de la culture Jack Lang lui confie la mission de réaménager les 3.000 m2 d’un espace détourné par les fonctionnaires du Conseil d’Etat en parking, Daniel Buren présente un projet constitué de deux plateaux (c’est le nom de l’installation dite les Colonnes de Buren) distincts sur lesquels figurent un alignement de 260 polygones de marbre de taille inégale, striés de blanc et de noir. Il comprend également une fontaine souterraine et un jeu de lumières.
Les Parisiens s’accomodent mal du mélange des genres architecturaux. De nombreuses innovations, très décriées lors de leurs inaugurations (tels le Centre Pompidou en 1977 ou la pyramide du Louvre en 1989) on su avec le temps trouver leur place au sein d’une ville en transformation. Les habitants et les touristes ont finalement su se les approprier.

En 1986 cependant, une violente polémique éclata. Elle posait la question de l’installation d’une œuvre contemporaine dans un site historique classé?
Les opposants aux colonnes de Buren reprochaient à l’Artiste et au Ministre de défigurer le lieu. Les pro-Buren les qualifiaient de passéistes. Le débat fût passionné: pétitions des riverains, courriers, questions parlementaires, graffitis et insultes sur les palissades du chantier. Une bataille judiciaire s’ouvrit qui mena à l’arrêt des travaux en février 1986. Le mois suivant, les élections législatives conduisirent à une cohabitation. L’épineux dossier dût être géré par l’opposition. Buren se défendit en évoquant la possibilité de finir l’œuvre, de voir les réactions qu’elle allait produire et selon sa réception par le public de la détruire, ou non. Le nouveau ministre de la Culture, François Léotard, décida finalement l’achèvement du chantier en raison du droit moral de l’artiste.
Mais Daniel Buren est bien plus qu’un simple provocateur.
Le style Buren
Sorti de l’École des Métiers d’Art, il oriente dès les années 1960 son travail vers une économie des moyens artistiques.
En 1965, Daniel Buren inspiré par une toile de store rayée, il met au point son « outil visuel » : des bandes verticales alternées blanches et colorées de 8,7 cm de largeur, répétant ses rayures à l’infini et sur tous les supports. Le choix d’un motif fabriqué industriellement répond à son désir d’objectivité.
En décembre de l’année suivante, Buren s’associe avec les peintres Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni, avec lesquels il organise des manifestations très controversées, créant le groupe BMPT (Buren Mosset Parmentier, Toroni). Ce qui les lie, c’est la pratique commune de la répétition systématique d’un même motif, ainsi que la volonté de s’opposer radicalement à la scène artistique parisienne, très académique. Ce travail est l’occasion d’examiner non plus seulement les limites physiques de la peinture, mais également les frontières politiques et sociales du monde de l’art.
Se posant toujours en théoricien de son propre travail, Daniel Buren accompagne toutes ses installations d’un descriptif, de notes explicatives : de l’emploi dans les premières toiles d’un tissu industriel constitué de bandes égales et verticales blanches, à l’utilisation de ce tissu comme lieu de l’inscription de la peinture, à la peinture comme non-lieu. Buren met très vite au point le concept de travail in situ, c’est-à-dire d’une intervention artistique intrinsèquement liée au lieu dans lequel le travail est programmé et réalisé. Buren procède toujours à une analyse du lieu en révélant ces particularités les plus significatives et les moins visibles. Buren parle lui-même « d’instrument pour voir », car paradoxalement, en se limitant à un motif unique, il parvient à un élargissement du champ visuel du spectateur. L’œuvre révèle le lieu et ce lieu même la rend intransportable et donc éphémère.
Au cours des années 1970, ses interventions « rayées » envahissent tous les supports : portes, escaliers, trains, voiles, gilets pour gardiens de musée, etc. En même temps que son œuvre prend une ampleur infinie, elle devient plus diversifiée et colorée, transgressant ainsi l’interdit moderniste qui bannit toute fonction décorative.
Il commence aussi à exposer dans les musées, ce qui lui permet d’aiguiser sa critique institutionnelle. Du musée Guggenheim de New York à la Documenta de Kassel, il est souvent intervenu de manière critique par rapport aux institutions artistiques. Pour lui, « toute œuvre exposée est mise en scène », il considère donc l’exposition comme un décor, dénonçant ainsi le rôle de l’institution qui préside habituellement à cette mise en scène.
Les années 1980 marquent l’époque des premières commandes publiques. La polémique nationale engendrée par les colonnes et l’obtention du Lion d’Or à la Biennale de Venise en 1986 établissent sa notoriété. Dans son travail, il s’intéresse de plus en plus aux liens entre architecture et art. Il développe un travail plus tridimensionnel et une conception de l’œuvre qui n’est plus objet, mais modulation dans l’espace.
Durant les années 1990, il continue de travailler sur ces dispositifs architecturaux de plus en plus complexes, multipliant les jeux sur les matériaux et sur les couleurs. Ce dernier élément n’est plus seulement appliqué au mur, mais « installé dans l’espace » sous forme de filtres, de plaques de verre ou de plexiglas colorés. L’impression d’éclatement de l’œuvre est parfois accentuée par l’utilisation de miroirs.
Un artiste prolifique
Daniel Buren est un artiste prolifique. Il multiplie certes les exposition éphémères in situ, mais à l’heure où je publie cet article, ce ne sont pas moins de 10 de ses œuvres à travers le monde que l’on peut admirer. De quoi développer un véritable tourisme spécialisé.
Voici un petit florilège des installations que j’ai préféré ces cinq dernières années.
Sérignan – Rotation
En septembre 2006 Daniel Buren investi le Musée de Sérignan pour quelques semaines. Cette installation est constituée de formes géométriques: trois triangles de couleur et un triangle rayé de bande de 8,7 cm. A chaque fenêtre, les rayures grises et blanches pivotent, en rotation. Le bleu, le jaune et le rouge, couleurs primaires, plus le vert, suivent le mouvement. Les baies vitrées des couloirs découpent ainsi le paysage en tableaux colorés. Le soir, de l’extérieur, c’est le musée qui s’illumine de couleurs.

De Haan – Le vent souffle où il veut
Quoi de plus agréable que de découvrir la côte belge sous le signe de l’art contemporain? La triennale Beaufort, propose tous les trois ans une trentaine d’oeuvres monumentales, réparties entre sur un tracé entre les villes de Zeebruge et La Panne. Outre les œuvres de l’édition en cours, d’autres pièces des éditions précédentes sont toujours visibles par endroits. L’objectif: commencer où bon vous semble, répartissez les visites tout au long de votre séjour et, surtout, appropriez-vous les œuvres tout comme elles s’approprient vos lieux de balade ou de bronzette !Pour visiter Beaufort, munissez- vous du guide de promenades vendus dans les offices du tourisme, et d’un pass à la journée pour le tram de la côte. Les courageux peuvent également faire le parcours à vélo.
Lors de l’édition 2009, Buren conçut une œuvre de cent mâts de pavillons, ornés de girouettes en différentes couleurs. Chaque girouette se pare d’une couleur vive et alterne avec le blanc.


Paris – Excentriques
En juin 2012, Daniel Buren est l’artiste invité de Monumenta, une exposition d’art contemporain qui se tient dans la nef du Grand Palais annuellement. Il y expose une installation éphémère de 377 disques translucides suspendus au-dessus du sol. Chaque cercle, entre 2 et 6,50 m de diamètre, est composé d’une structure de fer et d’une matière plastique bleue, jaune, rouge ou verte ou se reflète la lumière créant de nouveaux effets de couleur. Exceptée la coupole centrale, l’oeuvre recouvre entièrement la surface du site.

Paris – Une pause colorée
Depuis quatre ans déja, en accord avec sa vocation de partenaire privilégié du monde de l’art, l’hôtel Bristol propose un rendez-vous autour de la création contemporaine. Périodiquement, deux artistes de renommée internationale sont invités à investir le jardin et le bar de l’hôtel. De mai à octobre 2016, les invités du Bristol sont Daniel Buren et Hicham Berrada.
Pour son invitation, Buren installe une pergola, œuvre dite in situ, créée pour le jardin de l’hôtel. C’est une construction légère qui sert généralement de support aux plantes grimpantes et permet d’ombrager son environnement. L’artiste contrarie ici son usage commun en accrochant non pas des fleurs mais cinq couleurs disposées par ordre alphabétique au-dessus des têtes. Les couleurs jouent avec la lumière et en présence du soleil, se projettent aux alentours.
Paris – L’Observatoire de la lumière
A partir du 11 mai 2016 c’est la Fondation Louis Vuitton que Buren habille de couleurs chatoyantes. Les douze voiles revêtant le bâtiment voient leurs 3 600 verres se parer de couleurs vives et de bandes blanches et transparentes. Les reflets s’invitent à l’extérieur comme à l’intérieur du bâtiment et offrent des perspectives changeantes selon les heures et les saisons.

Rome – L’échiquier arc-en-ciel ondoyant
Daniel Buren investit cet été le Mont Palatin de Rome avec ces grands drapeaux quadrillés arc-en-ciel. L’exposition de groupe Par tibi, Roma, nihil organisée par la Fondation Nomas fait dialoguer paysage archéologique romain et art contemporain. Son installation sera visible jusqu’au 18 septembre 2016 au-dessus du Circo Massimo.

Yeahhh… Nice one!
So many beautiful details and motives in your pictures… I like them!
J’y suis passé et j’ai choisi un plan plus large. Le plan serré rend pas mal;) bravo
So colorful!